Sommet Finance en commun 2021|Transparence, inclusion et durabilité : 3 éléments que les banques publiques de développement ne doivent pas oublier
Plus de 500 banques publiques de développement se réuniront à l’occasion de la deuxième édition du sommet Finance en commun (FiC), les 19 et 20 octobre en Italie, dans le temps de la présidence italienne du G20 et de la conférence COP26 sur le changement climatique.
Alors que ce sommet va se tenir, une coalition d’organisations de la société civile exige des banques publiques de développement qu’elles modifient la façon dont elles travaillent pour que leurs actions soient guidées par les droits humains, un développement qui repose sur les communautés locales ainsi que sur les principes de justice climatique et sociale.
Au moment où les financeurs du développement se réunissent pour discuter de la mobilisation des ressources pour la réalisation de l’Agenda 2030, et donner une chance de succès à la lutte contre le changement climatique et à la préservation de la biodiversité, les organisations de la société civile demandent une action résolument plus ambitieuse, des processus consultatifs plus transparents et inclusifs à toutes les étapes depuis la conception jusqu’à l’évaluation en passant par la mise en œuvre des projets de développement.
Alors que la crise climatique s’aggrave, que les incendies ravagent les forêts partout dans le monde, que les inondations laissent des sans-abris par milliers, que les sécheresses détruisent les moyens de subsistance de millions d’agriculteurs, la situation des communautés les plus exposées ne cesse d’empirer. Les inégalités explosent, le nombre de personnes vulnérables augmente massivement, et pas seulement comme conséquence des effets de la crise du Covid.
Souvent, les acteurs locaux n’ont pas vraiment leur mot à dire dans les projets de développement, et lorsqu’ils prennent la parole et tentent de faire valoir leurs droits, ils le font souvent en prenant de grands risques. Selon un rapport de Global Witness, l’année dernière a été la plus meurtrière pour les défenseurs des droits humains et de l’environnement dans le monde.
Des approches impactantes doivent être mises en œuvre pour faire face à la restriction de l’espace civique, aux risques et aux défis pour les communautés locales qui défendent les intérêts de l’environnement et leurs sources de revenus.
Les banques publiques de développement peuvent devenir des alliées en protégeant et en favorisant l’implication des organisations de la société civile, des défenseurs des droits et des communautés qui se trouvent en première ligne des demandes pour la justice sociale et environnementale. Des politiques de tolérance zéro contre les menaces et les représailles de la part de banques publiques de développement, de leurs clients et de leurs partenaires devraient être une règle de base.
Cette année, une dimension spécifique des discussions du sommet Finance en commun porteront sur l’agriculture et l’agrobusiness. Bien qu’en cette matière l’objectif principal de la conférence soit de « mobiliser les banques publiques de développement pour une transformation inclusive et verte des systèmes alimentaires », les organisations de la société civile sont fondés à exprimer leur crainte que ce soit là des mots creux si ce sont les intérêts des entreprises du secteur qui soient mises à l’avant plan. Les banques publiques de développement ont la responsabilité d’être au service des intérêts des populations et de la sauvegarde de la planète, et ne doivent pas plier devant les intérêts des entreprises.
Les banques publiques de développement ne devraient pas financer des projets qui affectent négativement la vie et les moyens de subsistance des agriculteurs, des pêcheurs, des éleveurs et d’autres communautés. Elles devraient plutôt soutenir les solutions proposées par les petits producteurs alimentaires, les communautés autochtones et la société civile, qui sont fondées sur les droits humains, le développement au service des communautés et les principes de justice climatique.
Les décisions de financement prises par les banques publiques de développement peuvent soit accélérer, soit ralentir la perte de biodiversité et la dégradation de l’environnement. Par conséquent, les banques publiques de développement devraient étendre les listes d’exclusion de leurs financements directs et indirects qui ont un impact négatif pour les écosystèmes critiques ou sensibles.
À l’approche du G20 et de la COP26, le sommet Finance en commun peut être l’occasion un engagement effectif pour une utilisation responsable des ressources et pour créer de nouvelles synergies, non seulement entre les acteurs financiers, mais aussi avec ceux qui devraient être les véritables juges de l’efficacité des investissements : les représentants de la société civile et les communautés sur le terrain.
Les banques publiques de développement devraient également développer des approches coordonnées pour s’assurer que les activités qu’elles soutiennent n’aggravent pas le fardeau de la dette ou ne contribuent pas à une réduction des dépenses publiques qui aurait un impact négatif sur les droits humains, la capacité des gouvernements à répondre au changement climatique ou l’accès aux services essentiels pour les plus vulnérables.
Dans notre monde interdépendant, où de multiples crises frappent partout, les banques publiques de développement pourraient jouer un rôle crucial, mais pour cela elles doivent prendre des décisions fortes et faire preuve d’un leadership solide pour y parvenir. La coalition « Finance en commun » peut être un espace où une voie ambitieuse est fixée collectivement par les banques. Cette voie passe par un dialogue continu et considérablement renforcé avec l’ensemble de ce qui fait la société civile à tous les niveaux – local, national et international – car le monde de demain qu’il s’agit de construire dépend de la capacité aujourd’hui à inclure pleinement les personnes dans le processus.
Citations
Olivier Bruyeron, Président de Coordination SUD, la plateforme nationale française rassemblant 175 ONG de développement et humanitaires:
“La crise mondiale liée à la pandémie de Covid nous rappelle les interrelations entre le changement climatique et les agendas de justice sociale. Une fois de plus, durant cette crise, les populations les plus pauvres et les plus vulnérables ont été les plus touchées socialement et économiquement. Les crises mondiales dans un monde global se multiplient. Leurs effets reflètent une économie mondiale qui ne tient pas compte de l’accès universel à l’éducation, à la santé, au logement, à des emplois décents, à la durabilité environnementale. Ils reflètent le fonctionnement de notre société qui produit constamment plus d’inégalités. Les Banques Publiques de Développement peuvent aborder ces questions de manière significative avec l’agenda des ODD, mais seulement si elles mettent la société civile au cœur de leurs politiques. Et pour ce faire, les banques publiques de développement doivent construire un dialogue permanent avec les acteurs civiques, les communautés et les OSC. Nous invitons les BPD à s’engager résolument dans un tel dialogue, et à le mettre en œuvre sans délai.”
Peter Stevenson, Conseiller Politique en Chef de Compassion in World Farming:
« J’exhorte les Banques Publiques de Développement à cesser de financer l’élevage industriel car il met hors de portée plusieurs des Objectifs de Développement Durable. Il compromet les moyens de subsistance des petits agriculteurs et, en raison des énormes quantités de soja et de céréales nécessaires pour nourrir les animaux, il entraîne le changement climatique, la perte de biodiversité, la déforestation et la dégradation des sols. Les banques devraient plutôt financer une agriculture régénératrice, basée sur la nature, qui peut augmenter les rendements dans les pays du Sud, tout en fournissant une meilleure nutrition et en améliorant les moyens de subsistance des populations rurales. »
Aurore Mathieu, Coordinatrice des Politiques Internationales, Climate Action Network France:
“Les banques publiques de développement ont un rôle clé à jouer dans la lutte contre le changement climatique. La coalition PDB Finance in Common doit joindre le geste à la parole et aligner immédiatement toutes ses activités sur les objectifs de l’accord de Paris, comme promis en novembre 2020. Les BPD financent toujours les combustibles fossiles, malgré leur engagement à appliquer des politiques explicites pour sortir du financement du charbon dans la perspective de la COP26. Le temps nous est compté.”
Iara Pietricovsky, présidente de Forus:
« Nous pensons que la société civile peut s’associer aux banques publiques de développement pour accélérer le changement en créant des espaces inclusifs et transparents. Nous devons trouver des solutions pour nos défis actuels et futurs, la seule façon d’y parvenir est de partager les connaissances et les idées et, en fin de compte, de rééquilibrer l’équilibre des pouvoirs. Nous espérons discuter avec les banques de développement de la manière dont nous pouvons soutenir des mesures ambitieuses pour financer le développement de manière plus efficace et plus innovante, tout en respectant les personnes et l’environnement, et en promouvant les droits humains, écologiques, et leurs défenseurs. »
Mark Fodor, Coordinateur de la campagne « Defenders in Development » (défenseurs dans le développement) à la Coalition for Human Rights in Development:
“Pour trouver de véritables solutions à la crise alimentaire mondiale et au changement climatique, les banques publiques de développement doivent sortir de leurs bulles. Elles doivent commencer à écouter ceux qui sont directement impactés par leurs projets, comprendre leurs besoins et apprendre à leurs côtés. Des solutions durables existent déjà : Les peuples indigènes, les petits agriculteurs, les pêcheurs, les éleveurs, les femmes et les communautés locales sont les experts qui devraient diriger l’agenda du développement. Pourtant, une fois de plus, les organisateurs du sommet n’ont pas réussi à s’engager avec eux ”.
Eleonore Morel, Directrice Générale de la FIDH (Fédération Internationale des Droits Humains):
“Nous encourageons vivement les banques à créer un espace pour que la société civile, les défenseurs des droits de l’Homme et les communautés affectées puissent participer et contribuer de manière significative à leurs stratégies, politiques et projets, afin que leur connaissance de l’impact potentiel sur les droits de l’Homme du financement public du développement soit prise en compte dans leurs opérations. La FIDH encourage vivement un dialogue institutionnalisé entre la société civile et les banques publiques et réitère son appel dans ce sens”
Roberto Ridolfi, Président de Link 2007:
“Les BPD doivent être extrêmement vigilants et accepter un contrôle public transparent sur les multiples impacts de la charge de la dette sur les pays pauvres.
En outre, à partir d’un engagement commun envers les ODD, les BPD doivent renforcer le dialogue et la coordination avec les institutions de financement, les banques et le secteur privé, en améliorant la cohérence des approches sur les objectifs, l’appropriation et l’innovation en matière de conversion de la dette”.
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