Communiqué de presse|La pauvreté et les inégalités avancent, la France recule en matière de solidarité internationale
Le 16 janvier dernier, sur proposition du Gouvernement, le Sénat a ajouté au projet de loi de finances une coupe supplémentaire de l’aide publique au développement (APD) portant à plus de 2 milliards d’euros le montant total du coup de rabot sur la solidarité internationale. Une mesure à rebours des engagements de la Loi de programmation sur le développement adoptée à l’unanimité en 2021, dans un contexte pourtant marqué par le creusement des inégalités et de la pauvreté mondiales.
Face à la multiplication des crises sociales, climatiques et humanitaires, cette réduction drastique des moyens de l’APD va en premier lieu affecter les populations les plus vulnérables ainsi que les pays à faible revenu déjà frappés par le changement climatique et la crise de la dette. Parmi les actions les plus impactées, celles des ONG et leurs partenaires, qui en mobilisant des milliers de personnes salariées, volontaires ou bénévoles, agissent aux côtés des plus fragiles.
L’aide publique au développement est pourtant un élément essentiel de l’action de la France à l’international. Elle avait d’ailleurs pris l’engagement, dans le cadre de la loi de 2021, d’y dédier 0,7 % de son revenu national brut en 2025. Un objectif déjà reporté et dont le Gouvernement français s’éloigne encore davantage avec son projet de loi de finances pour 2025. Après une hausse ces dernières années – sans toutefois jamais atteindre les 0,7 % promis – la solidarité internationale est visée par de multiples coupes : elle chute une première fois en 2023 à 0,48 % du revenu national brut puis devient la cible d’une coupe de 742 millions d’euros début 2024 et d’une seconde d’1,4 milliard d’euros dans le budget présenté au Parlement, à laquelle s’ajoutent désormais près de 800 millions d’euros supplémentaires adoptés au Sénat.
Olivier Bruyeron, Président de Coordination SUD, collectif représentant plus de 180 ONG, alerte sur les conséquences à venir : « La capacité de la France à répondre aux enjeux de développement, aux crises et à porter sa diplomatie féministe est aujourd’hui menacée, de l’aveu même du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Un tel projet de budget va obliger la France à se dédire et à revenir sur des engagements déjà pris ! Qu’en est-il par exemple de la promesse faite en juin 2023 par le Chef de l’État que les pays à faible revenu et les populations vulnérables n’auraient pas à choisir entre lutte contre la pauvreté et lutte contre le changement climatique ? Nous sommes en train de reculer face aux inégalités et de réduire considérablement les capacités de la France à relever des défis mondiaux qui nous concernent tous et dont nous ressentons déjà les répercussions en France. »
Pour les ONG, cette situation aura des conséquences inacceptables. Flore Ganon, responsable plaidoyer Action contre la faim, dénonce : « Cette coupe est inédite et disproportionnée. Avec près de 40 % de l’aide publique au développement, c’est le budget le plus sévèrement coupé ! C’est un retour en arrière, face aux besoins mondiaux en matière de santé, d’alimentation, d’eau, d’éducation et de protection sociale, face aux menaces pesant sur les droits humains en particulier ceux des enfants et des femmes, face aux conflits et crises multiples, ce à quoi répond justement l’aide publique au développement. »
Pendant plusieurs semaines, des voix se sont élevées contre une baisse drastique de l’APD. En novembre 2024, le Chef de l’État s’est clairement positionné contre de nouvelles coupes. Des personnalités africaines se sont également exprimées[1] aux côtés des ONG et des collectivités françaises. De nombreux parlementaires de différents bords politiques se sont également mobilisés lors de l’examen du budget. Pour permettre de maintenir les moyens de l’APD, ils ont adopté une hausse de la taxe sur les transactions financières et de la taxe de solidarité sur les billets d’avion. Deux instruments qui contribuent historiquement à l’aide publique au développement et qui pourraient rapporter plus d’1,6 milliard d’euros de recettes supplémentaires par an.
Mais une question demeure : pourquoi ces nouvelles recettes ne sont-elles pas aujourd’hui affectées intégralement à l’aide publique au développement ?
« Ni le droit international, ni les engagements législatifs, ni la parole politique, pourtant nombreux, semblent encore faire foi. Nous craignons les impacts d’abord sur les millions de personnes vivant en situation de précarité et de vulnérabilité dans le monde, mais aussi sur notre possibilité en tant qu’ONG à répondre à de nouveaux besoins. Nos partenaires dans les pays d’intervention seront les premiers impactés. S’en suivra l’arrêt de programmes et de projets essentiels, la fin de partenariats historiques, des licenciements massifs et in fine la fermeture d’associations. La place de la France sur la scène internationale et dans ses relations diplomatiques est aujourd’hui durement remise en cause. ». Face à constat, Gautier Centlivre, Coordinateur plaidoyer pour l’ONG Action Santé Mondiale interpelle directement le Gouvernement : « Nous appelons le gouvernement à prendre ses responsabilités et à revenir à la raison. Cette coupe est disproportionnée, alors même que les recettes des taxes solidaires vont augmenter. »
[1] Le Monde, Ne coupez pas l’aide publique au développement, repensez-la, tribune collective, 28 novembre 2024
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