le 26/08/2020 par Coalition eau

DROIT A L’EAU ET A L’ASSAINISSEMENT DANS LES OUTRE-MER

La Coalition Eau mène depuis plusieurs années un plaidoyer pour un droit à l’eau et à l’assainissement effectif en France. Cependant, les problématiques rencontrées au niveau de la métropole et dans les outre-mer peuvent être très éloignées et les points de blocage différents.

Avec des taux d’accès à l’eau et à l’assainissement bien inférieurs à ceux de la Métropole, certains territoires doivent en effet faire face à des enjeux similaires à ceux des pays en développement, ce qui reste d’autant plus choquant que ce sont des territoires français (Mayotte, Guyane, Guadeloupe, Polynésie française notamment). Un rapport de 2013 du Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable fait le constat que les outre-mer ont « 40 ans de retard dans la mise en œuvre de la politique de l’eau et d’assainissement[1]».

Afin de mieux comprendre les problématiques et les enjeux spécifiques aux territoires d’outre-mer, la Coalition Eau a mené une étude sur la situation des droits humains à l’eau et à l’assainissement dans les Outre-Mer. L’étude avait pour objectif de fournir des éléments permettant de nourrir une réflexion commune sur l’opportunité de mener un plaidoyer – et le cas échéant réfléchir au contenu des messages – adaptés à la situation des territoires d’outre-mer.

Cette étude, réalisée par la consultante Sophie Oddo, s’est articulée autour de deux axes :

  • Un état des lieux des enjeux d’accès à l’eau et à l’assainissement dans l’ensemble des territoires d’outre-mer (Départements et Régions d’Outre-Mers – DROMs – et Collectivités d’Outre-Mers – COM).
  • Une étude de cas sur le territoire de Mayotte dans une perspective de mise en œuvre des droits humains à l’eau et à l’assainissement (problématiques, réponses apportées, insuffisances, etc.).

En termes méthodologique, l’étude a été réalisée sur la base d’une revue bibliographique, d’entretiens et d’une mission de terrain d’une durée de deux semaines à Mayotte.

Le choix a été fait de se tourner vers une approche par les droits, en analysant les différentes dimensions des droits humains à l’eau potable et à l’assainissement proposées dans la résolution de l’ONU. L’étude se focalise ainsi davantage sur les enjeux d’accès pour les populations marginalisées ou vulnérables par une étude des différentes vulnérabilités qui peuvent impacter la mise en œuvre du droit à l’eau et à l’assainissement (vulnérabilités sociales, environnementales, institutionnelles, etc.). L’approche par les droits implique tout d’abord d’analyser les conditions de mise en œuvre du droit à l’eau et à l’assainissement, en évaluant le respect des autres droits fondamentaux auxquels il est lié (entre autres : droit à la santé et droit à un logement décent). Ainsi, on verra plus bas que dans un contexte où les mécanismes de protection sociale ne fonctionnent pas bien et où les politiques urbaines et de logement social s’élaborent sans un dialogue suivi avec les acteurs en charge de l’eau et de l’assainissement, le respect du droit à l’eau et à l’assainissement n’est pas garanti.

DES ENJEUX SPÉCIFIQUES AUX OUTRE-MER

L’étude présente les grands enjeux identifiés dans les territoires d’outre-mer et plus particulièrement à Mayotte, afin de faciliter la compréhension des contextes locaux. Ce qui ressort principalement :

Un niveau de vie plus faible qu’en France métropolitaine

  • Pauvreté (exceptés certains COM)
  • Proportion élevée du tarif de l’eau dans le budget des ménages.
  • Prestation sociales différentes de la métropole (Mayotte)

Une gouvernance fragilisée par une faible implication des élus locaux

  • Le secteur de l’eau potable et de l’assainissement (EPA) n’est pas une priorité politique et suscite des tensions.
  • L’application de la loi NOTRe (loi portant sur la Nouvelle organisation territoriale de la République, avec un transfert de compétences EPA aux établissements public de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI-FP) d’ici le 1er janvier 2020) nécessite un fort accompagnement de l’Etat via les Offices de l’eau et les Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logemen
  • Absence de politique sociale de l’eau ambitieuse.
  • Peu de dialogue entre les acteurs du secteur EPA, du logement et des politiques de protection sociale.

Difficultés d’appliquer les normes européennes pour les DROMs et St Martin

  • Rattrapage souvent dans l’urgence pour être aux normes,
  • Poids du rattrapage sur la facture d’eau des ménages.

Faible performance des services EPA (Droms, Polynésie française, Wallis-et-Futuna et Saint Martin)

  • Enjeu de professionnaliser la gestion administrative, financière et comptable.
  • Surcoûts (faible concurrence).
  • Faible transparence de la gestion des services.
  • Enjeu d’améliorer la gestion clientèle pour garantir le consentement à payer des ménages.
  • Faire respecter la loi.

Des usagers qui connaissent peu leurs droits et les leviers de recours à leur disposition

  • Résilience des populations malgré quelques crises de l’eau (Guadeloupe et Mayotte).
  • Peu de mobilisation ou de structuration de la société civile pour faire valoir le droit EPA pour tou.te.s.
  • Des pratiques culturelles et représentations mentales qui ne font pas toujours le lien entre mauvais accès aux services de base et danger sanitaire.

DES OPPORTUNITÉS DE PLAIDOYER

Selon l’étude, dans le cas de l’application du droit à l’eau et à l’assainissement dans les outre-mer, le recours au plaidoyer se justifie pour répondre à 3 grands enjeux :

  1. Faire connaître leurs droits aux populations en s’adressant à la fois à leur statut d’usagers (exigence de l’accès à un service de qualité) mais aussi de citoyens (exigence d’une justice sociale pour l’accès aux services),
  2. Amener l’Etat et les responsables locaux des collectivités territoriales compétentes en matière de services EPA à prendre leurs responsabilités quand c’est nécessaire et considérer le secteur EPA comme une priorité,
  3. Faire mieux connaître la situation de l’accès à l’eau et à l’assainissement dans les outre-mer à la population de France métropolitaine, et notamment aux associations mobilisées sur l’accès aux droits à l’échelle du territoire français.

Dans ce cadre, la plus-value du plaidoyer de la Coalition Eau pourrait résider d’une part dans le suivi des engagements pris par l’Etat et les collectivités locales (mise en œuvre des contrats de progrès et poursuite du Plan Eau DOM), et d’autre part dans des propositions devant permettre l’émergence de solutions pour améliorer la situation (accompagnement des structures locales qui pourront mener elles-mêmes un plaidoyer sur place).

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