Loi développement solidaire : les ONG souhaitent un renforcement du texte au Sénat
Déjà impliquées en 2014, les ONG saluent l’esprit de ce nouveau texte dédié à la solidarité internationale mais souhaitent qu’il aille plus loin dans un contexte de crise sanitaire, climatique, économique et sociale sans précédent au niveau mondial. Leurs attentes sont fortes en termes de programmation financière, de cohérence des politiques publiques, d’approche genre et de reconnaissance des organisations de la société civile.
Alors que plus de 100 millions de personnes ont basculé dans l’extrême pauvreté en 2020, les député·e·s se sont exprimé·e·s sur l’ambition de la France en matière de solidarité internationale à l’issue d’une séance publique durant laquelle plus de 600 amendements ont été étudiés. Les débats se sont fortement axés sur la programmation, et notamment l’objectif d’allouer 0,7 % de la richesse nationale à l’aide publique au développement (APD) à l’horizon 2025 et sur la qualité de l’aide.
Deux réelles avancées dans la politique de développement de la France
Depuis 2018, Coordination SUD s’est impliquée auprès du gouvernement pour une loi qui traduit l’ambition d’un monde solidaire. Deux avancées en ce sens sont à noter. Premièrement, à l’unanimité, les député·e·s ont voté que la France doit “s’efforcer de consacrer 0,7 % de (sa) richesse nationale à l’aide au développement d’ici 2025”, rappelant ainsi la promesse faite en 1970 aux pays pauvres. Coordination SUD se réjouit de cette inscription dans la loi mais demande au Sénat de modifier cette formulation en lui donnant un engagement ferme. Deuxièmement, le cadre d’action de la France inscrit dans la loi l’Agenda 2030, les droits humains et l’Accord de Paris sur le climat.
“Initialement, cette loi était lacunaire car elle fixait des ambitions budgétaires très en-deçà des promesses et les principes orientant les actions de la France étaient inexistants dans le corps de la loi. Nous saluons le renforcement du texte sur ces deux aspects” précise Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France, référente sur les questions d’APD au conseil d’administration de Coordination SUD.
Rehausser l’ambition en matière de genre, de qualité de l’aide, de cohérence et de transparence
Coordination SUD note, toutefois, que certaines attentes n’ont pas été satisfaites. S’il faut se réjouir que figure désormais la référence à la diplomatie féministe, les ONG françaises regrettent cependant que les engagements en matière d’APD marquée genre ne soient pas encore tout à fait à la hauteur de cette ambition. La priorité transversale allouée à l’égalité de genre devrait aussi être davantage reflétée dans l’ensemble de la politique de solidarité internationale de la France. Par ailleurs, les principes de non-discrimination, de « ne laisser personne de côté » sont toujours absents des principes d’action, excepté pour les populations bénéficiant de l’assistance humanitaire tel que mentionné dans le cadre de partenariat global. En outre, les questions liées à la qualité de l’aide, affirmées comme une réelle préoccupation par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et le rapporteur de la loi, n’ont été renforcées que dans l’annexe (Cadre de partenariat global) et non dans le texte même de la loi. La transparence de l’action française dans les pays en développement mérite une attention particulière, de même que la cohérence de ses interventions affectant ces pays : en l’état, le risque de voir détruire d’une main ce qu’elle finance de l’autre est toujours aussi présent.
Pour une reconnaissance effective de la place de la société civile dans la politique française de développement
Enfin, un point très attendu est l’affirmation dans la loi de la place de la société civile à tous les stades de la politique de l’aide au développement : conception, mise en œuvre et évaluation, et ce par l’inscription d’un nouvel article dédié à la société civile. Cela représentait un engagement du gouvernement, lors des différents échanges. Coordination SUD se réjouit de la mention du droit d’initiative de la société civile mais regrette, qu’en l’état, la loi ne précise pas plus nettement les moyens alloués à ce droit. Coordination SUD compte sur le passage au Sénat pour remédier à l’absence de financement des initiatives de la société civile.
“Il est clair qu’il y a des avancées à noter et il faut le saluer. Cependant, certains manques affaiblissent la loi vis-à-vis des ambitions de la France en la matière. Premièrement en termes de principe, elle ne garantit pas que les actions de développement ne laisseront personnes de côté et donc seront exemptées du criblage des bénéficiaires finaux de l’aide. Deuxièmement, cette loi pourrait davantage contribuer à renforcer la cohérence et la transparence des politiques publiques, domestiques et internationales, de la France, mais cela reste trop à la marge et demandera un suivi. Enfin, j’insiste sur le fait que les organisations de la société civile restent à être pleinement reconnues et soutenues pour leurs propres initiatives, qui sont construites au plus près des réalités en partenariat avec les acteurs locaux. La loi reconnaît le droit d’initiative mais reste vague sur son financement au-delà de 2022 ; et il faut souhaiter que la France vise à s’approcher, certes du montant, mais surtout du pourcentage moyen de l’APD transitant par les OSC des pays du CAD de l’OCDE (environ 15 %). ” confie Olivier Bruyeron, président de Coordination SUD.
Les ONG souhaitent que les sénateurs et sénatrices se saisissent d’amendements en ce sens afin de renforcer une loi qui marque de réelles avancées mais qui doit fixer encore plus clairement et de manière déterminée les ambitions de la France en matière de lutte contre les inégalités et l’extrême pauvreté. Il s’agit d’une opportunité unique de préparer le monde de demain. Cela se construit dans la durée et demande donc une approche qui projette loin.
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