Adoption PLF2025 |Adoption du projet loi de finances pour 2025 : qu’est-ce que cela change pour la solidarité internationale ?
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UNE COUPE INÉDITE ET MASSIVE SUR LA SOLIDARITÉ INTERNATIONALE
Avec l’adoption du budget pour 2025, le budget de l’aide publique au développement (APD) connaît une chute brutale et inédite. L’APD subit une coupe supérieure à 2,1 milliards d’euros et diminue de – 37 %1, revenant à un niveau inférieur à celui de 2021.
Les moyens du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères sont encore plus affectés et chutent de – 41 % par rapport à 2024.
Cette décision drastique est difficile à accepter face aux besoins massifs de financements pour le développement et alors que la France a réalisé plusieurs efforts ces dernières années : hausse de l’aide publique au développement et adoption d’une loi de programmation fixant la cible de consacrer 0,7 % du revenu national brut à l’APD… cible initialement projetée pour 2025.
En plus de la coupe, le gouvernement met fin à l’affectation des taxes solidaires sur les transactions financières et sur les billets d’avion qui alimentaient directement le Fonds de solidarité pour le développement2, fragilisant davantage le financement de la solidarité sur le long terme.
Dès février 2024, le gouvernement s’était attaqué à l’APD avec une première coupe de 742 millions d’euros.
Zoom sur la coupe APD en France – Un acharnement disproportionnel
En plus de la coupe inscrite dans le texte initial, le Gouvernement, avec le soutien du Sénat, a ajouté une coupe supplémentaire de 800 millions d’euros, portant à plus de 2,1 milliards d’euros le coup de rabot total sur l’APD.
Si le budget de l’aide publique au développement ne représentait qu’1 % du budget général de l’État en 20243, la coupe totale sur l’APD équivaut à 7 % du total des coupes budgétaires4. L’APD est ainsi le budget le plus durement impacté.
UN DANGER POUR LES POPULATIONS ET LA SOCIÉTÉ CIVILE
Les conséquences exactes de la coupe budgétaire sont encore difficiles à évaluer. Il est toutefois certain qu’une baisse aussi brutale provoquera un grave retard, voire un retour en arrière dans l’atteinte des objectifs de développement durable.
Les progrès réalisés ces dernières années en matière d’accès à la santé et de lutte contre les épidémies, de scolarisation, de lutte contre la malnutrition, ou encore de réduction des inégalités, notamment à l’égard des femmes et des filles, sont aujourd’hui fragilisés. Dans certains cas, ce sont des vies humaines qui sont directement menacées.
En effet, une coupe de plus 2 milliards d’euros, c’est équivalent au montant nécessaire pour financer la couverture vaccinale de base de 71 millions d’enfants, ou bien la scolarisation pendant un an de 17 millions d’enfants.
De nombreuses associations recevant des financements publics français pour la mise en œuvre d’actions de solidarité internationale sont également gravement impactées. Certaines pourraient être contraintes de clôturer des projets avant terme, de licencier une partie de leur personnel, voire de fermer.
Plusieurs priorités essentielles sont fortement affectées par la coupe budgétaire, à l’image des financements de l’AFD (- 42 % sur le dispositif I-OSC) et de l’aide humanitaire (- 44 % au total). Coordination SUD a rapidement ouvert un canal de dialogue et de négociation avec le Ministère et l’AFD afin de limiter les conséquences des coupes sur le secteur de la solidarité internationale.
Zoom sur des dispositifs de financement essentiels
Le dispositif I-OSC de l’AFD devrait connaître une baisse d’au moins – 42 %, passant de 190 millions à 110 millions €. Problème, le dispositif était déjà obstrué avec de nombreuses demandes non pourvues et des financements initialement prévus en 2024 puis reportés en 2025 à la suite d’une première coupe budgétaire.
Le gouvernement met fin à la réserve pour crises majeures qui apportait une flexibilité indispensable pour répondre à de nouvelles crises.
D’autres mécanismes seront affectés dans une moindre mesure : – 13 % sur l’aide alimentaire programmée, – 3 % sur le don-projet AFD et sur le volontariat.
D’autres dispositifs, tels que le fonds de soutien aux organisations féministes ne sera pas non plus épargné alors qu’il subissait déjà les conséquences de la coupe de 2024.
À noter : ces informations ne prennent pas en compte les futurs arbitrages sur la coupe supplémentaire de 800 millions € ajoutée au Sénat.
UN CONTEXTE ALARMANT POUR LA SOLIDARITÉ
Ces coupes budgétaires alimentent un contexte international marqué par une remise en cause des droits humains et des valeurs de solidarité internationale.
Plusieurs pays européens ont annoncé des coupes similaires sur leur budget d’aide publique au développement et dans certains cas, des mesures s’attaquant aux libertés et aux conditions de financement des associations.
L’annonce du gel de l’aide publique au développement des États-Unis et de la fermeture de l’agence USAID aggravent davantage ce contexte et mettent en danger des millions de personnes à travers le monde, menaçant l’action et l’existence de nombreuses associations de solidarité internationale.
Vue d’ensemble des coupes et du gel de l’aide publique au développement dans le monde
(données en cours de consolidation)
Pays | Annonce | Montant de la coupe | Détail des annonces |
France | Coupe budgétaire | -2,1 milliards € en 2025 | -42% financements I-OSC -44% financements humanitaires |
Pays-Bas | Coupe budgétaire | -300 millions € en 2025, -500 millions € en 2026 et -2,4 milliards € en 2027 | Arrêt du financement du plaidoyer des OSC aux Pays-Bas Les financements OSC passeront de 1,4 milliard € à 390-565 millions € à partir de 2026 |
Allemagne | Coupe budgétaire | -2,1 milliards € en 2025 | -940 millions sur le développement -1,2 milliard sur l’aide humanitaire |
Suède | Coupe budgétaire | -291 millions € par an sur 3 ans (2026 à 2028) | |
Belgique | Coupe budgétaire | -106 millions € par an sur 3 ans (2025 à 2027) | Baisse de la déduction fiscale sur les dons de 45 % à 30 % |
USA | Gel | Gel de plus de 60 milliards € | Gel pendant au moins 90 jours |
ET MAINTENANT ?
La France et la communauté internationale sont attendues au tournant cette année à l’occasion de la 4e conférence des Nations-Unies sur le financement du développement. L’opportunité de la décennie pour trouver un accord sur des mesures à la hauteur de la dette et du besoin de financements pour le développement.
Le Président de la République a par ailleurs annoncé un nouveau Conseil présidentiel sur le développement (CPD) au mois de mars, l’occasion ou jamais de remettre la France sur la voie de la responsabilité et du respect de ses engagements.
Dans ce contexte, il est plus qu’important de documenter le recul en matière de solidarité internationale et d’en identifier les conséquences. Un travail que mène Coordination SUD.
Pour plus d’information, vous pouvez contacter Corentin Martiniault, chargé de mission analyse et plaidoyer.
1 Explication de calcul : le budget APD est artificiellement gonflé de 738 millions € qui étaient auparavant affectés à un fonds en dehors du budget de l’Etat et qui contribuait déjà à la solidarité internationale. Puisqu’il ne s’agit pas de nouveaux financements, Coordination SUD ne les prend pas en compte dans le calcul de la coupe. Par conséquent, le budget APD pour 2025 est de 3,6 milliards € contre 5,8 milliards en 2024, soit une baisse supérieure à 2,1 milliards € équivalent à une évolution de – 37 %.
2 Le Fonds de solidarité pour le développement permet de financer des initiatives internationales telles que le Partenariat mondial pour l’éducation, le Fonds vert pour le climat, ou encore UnitAid.
3 Calcul basé sur le budget général de l’Etat en crédits de paiement dans la loi de finances initiale pour 2024. Source : budget.gouv.fr.
4 Le total de réduction des dépenses publiques s’élève à 30 milliards €. Source : Public Sénat.
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