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>Énergie & Climat>Alignement des financements avec l’Accord de Paris

Quitter le traité sur la charte de l’énergie

Évaluation1/3

Au travers du One Planet Summit et plus récemment du sommet Finance en commun, la France s’est engagée à aligner les financements de l’aide au développement avec l’Accord de Paris. En organisant sur son territoire les événements qui ont amené aux engagements internationaux, la France souhaite promouvoir cet engagement « 100% Accord de Paris » au monde entier.

Or, une partie de financement de l’APD27 est utilisée pour le secrétariat du Traité sur la charte de l’énergie (TCE). Signé le 17 décembre 1994, le TCE protège les investissements étrangers (réalisés par des entreprises basées à l’étranger) dans les énergies fossiles et contre les politiques domestiques en permettant aux investisseurs et investisseuses d’attaquer les États et de demander des compensations si les lois vont à l’encontre de leurs intérêts. Le traité protège toute la partie offre dans le secteur de la production d’électricité (issue d’énergies fossiles et d’énergies renouvelables) ainsi que toutes types d’investissement dans le charbon, le gaz et le pétrole. Ce traité compte aujourd’hui 53 pays membres dont ceux de l’Union Européenne (à l’exception de l’Italie qui a quitté le traité).

Au travers du plan Climat, la France s’est engagée à “renforcer l’ambition climatique de l’Europe” (Axe 20) et à “accompagner les efforts des pays en développement dans la mise en œuvre de leurs engagements”. Il est évident que ce Traité va à l’encontre de tous ces engagements, le TCE enfermant l’Europe dans une trajectoire incompatible avec ses propres objectifs climatiques au risque de se faire attaquer par des entreprises ayant des activités liées aux énergies fossiles.

Moderniser le traité ou le quitter ?

1. Moderniser le traité ?

En 2021 une position a été adoptée par l’UE concernant la modernisation du traité et notamment pour mettre fin à la protection pour les nouveaux investissements dans les projets fossiles. Cependant, cette proposition de l’UE n’est pas suffisante pour respecter l’Accord de Paris et donc incohérente avec la position de la France.

En effet, cette proposition conserve la protection sur les investissements déjà réalisés jusqu’en 2040. Pour respecter l’Accord de Paris et plus particulièrement la nouvelle stratégie de l’UE pour atteindre la neutralité carbone en 2050, il sera nécessaire de stopper ces investissements bien avant cette date. En ce qui concerne les nouveaux investissements, l’UE prévoit que le gaz soit protégé jusqu’en 2040, ce qui met également en péril certains engagements climatiques.

Même si cette position venait à être rendue plus ambitieuse, la modernisation du traité semble peu réaliste étant donné que les décisions doivent être prises à l’unanimité des membres du TCE.

2. Quitter le traité ?

Il n’existe pas d’article pour mettre fin au traité, la seule issue pour l’UE serait de sortir du traité de manière coordonnée. Faute d’un retrait collectif, de nombreuses lois votées dans le cadre de la stratégie climatique européenne pourraient faire l’objet d’une plainte sur la base du TCE. Il sera également nécessaire sortir du traité de manière coordonnée. Faute d’un retrait collectif, de nombreuses lois votées dans le cadre de la stratégie climatique européenne pourraient faire l’objet d’une plainte sur la base du TCE. Il sera également nécessaire pour l’UE d’annuler une clause, dite de survie, du traité permettant aux entreprises de poursuivre les Etats pendant 20 années supplémentaires après leur retrait. Dans le cas des pays de l’UE, comme plus de 65% des investissements étrangers sont des investissements intra-Européens, l’annulation de la clause de survie réduit considérablement le nombre de litiges.

27. Le total des contributions des parties prenantes au secrétariat du TCE est de 4,2 millions d’euros, dont 49% payé par l’Union Européenne et la cotisation de la France s’élève à 450 000€

Le traité n’est pas aligné avec les exigences de l’Accord de Paris car il protège toujours les énergies fossiles et empêche des Etats de mettre en œuvre des politiques énergétiques ambitieuses. Le traité a déjà été utilisé par des investisseurs et investisseuses pour porter plainte contre des États européens souhaitant mettre en place des politiques favorables à la transition écologique (RWE et les Pays-Bas, Vattenfall et l’Allemagne). Aujourd’hui, 136 litiges sont connus dont la plupart intra européens. Au-delà de ces litiges, le traité fait peser sur les États la menace de poursuites et peut donc réduire l’ambition de certaines décisions.

Consciente de cette incohérence, la France a rédigé en décembre 2020, une lettre pour demander une “refonte des règles du TCE” le rendant compatible avec l’Accord de Paris ou pour initier un “retrait coordonné de l’Union européenne et de ses Etats membres” de l’UE.

Malgré cette incohérence apparente avec l’Accord de Paris et malgré les réflexions en cours à l’échelle française et européenne, le TCE est loin d’être voué à disparaître et son secrétariat essaye au contraire de l’étendre à davantage de pays, notamment africains. Une politique d’expansion qui est partiellement financée par l’UE et la France (au travers de sa cotisation directe au secrétariat, qui est de l’ordre de €450.000 par an) et qui enfermerait des pays africains dans un traité donnant encore plus de puissance aux entreprises privées polluantes sur les politiques de ces pays. Il est évident que de tels rapports de force mettraient en péril la réalisation de politiques énergétiques permettant un développement propre et aligné avec l’Accord de Paris.

La commission Climat et développement de Coordination SUD note donc ici deux incohérences fortes entre le TCE et les engagements de la France en ce qui concerne les enjeux Énergie/Climat :

  • Le financement du secrétariat du TCE par la France protège les énergies fossiles alors que dans le même temps, le pays travaille à l’exclusion de ces énergies (voir thème 1 – l’exclusion des énergies fossiles) et à l’alignement des financements avec l’Accord de Paris (voir point sur l’Alignement des partenaires financiers avec l’Accord de Paris).
  • La France cherche à accentuer son soutien aux pays en développement (voir thème 3 – Soutenir les pays en développement pour développer des stratégies de transition énergétiques justes) pour que ceux-ci développent des politiques énergétiques cohérentes avec l’Accord de Paris. L’extension de ce traité pourrait soumettre des États en transition à la pression d’entreprises privées investissant dans les énergies fossiles.
  • Profiter de la présidence française de l’UE pour mettre fin à la participation des pays de l’UE au TCE et à l’adoption d’un accord intra-EU pour mettre fin à la clause de survie
  • Redoubler d’efforts pour faire entendre les intérêts de la France et de l’Accord de Paris pour que l’Union Européenne quitte le TCE de façon coordonnée.
  • En cas d’impossibilité d’aboutir à un positionnement commun de l’Union Européenne, envisager une sortie de la France avec un nombre restreint d’autres acteurs et actrices.
  • Bloquer immédiatement tout financement de la France vers le secrétariat du TCE en tant que financement incompatible avec l’Accord de Paris.
  • En attendant la concrétisation effective de la sortie de l’UE de ce traité, la France doit se positionner ouvertement contre toute extension du TCE vers de nouveaux pays, en particuliers les pays en développement.