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Coalitions internationales et redevabilité
Lors de la présidence française de la COP21, la France a initié de nombreuses coalitions, couvrant de nombreux enjeux (par exemple l’initiative 4/1000 dans le domaine de l’agriculture). En ce qui concerne les initiatives inter-étatiques dans le domaine de l’énergie, la France a porté 2 initiatives principales : l’AREI – Initiative africaine pour les énergies renouvelables et l’ASI – Alliance solaire internationale, co-initiée avec l’Inde.
Les coalitions doivent permettre à la France à la fois de concrétiser ses engagements financiers et de promouvoir une diplomatie ambitieuse en termes de transition énergétique en engageant d’autres pays et acteurs et actrices à ses côtés. Dans son agenda 2030, la France “s’est engagée à consacrer plus de 3 milliards d’euros au développement des énergies renouvelables en Afrique d’ici 2020 où le taux d’électrification régional dans la partie subsaharienne est le plus faible du monde”. Cet engagement est mis en œuvre par d’AFD dans le cadre de la phase I de l’AREI (2016-2021).
Présentation de l’AREI
L’initiative se donne pour objectif d’atteindre au moins 10 GW de capacité nouvelle et additionnelle en Afrique de production d’énergie à partir de sources d’énergies renouvelables d’ici 2020. Elle veut également mobiliser le potentiel africain pour produire au moins 300 GW et viser un accès universel à l’énergie sur le continent d’ici 2030.
L’initiative se décompose en 3 phases :
- Déploiement (2015-2016) : Lancement officiel des activités de l’AREI qui comprennent la mobilisation des ressources, la mise en place de la structure de gouvernance et de gestion ainsi que l’identification des projets de la Phase 1 qui seront en attente de mise en œuvre à partir de mi 2016.
- Phase 1 (2016-2020) : En coopération avec les organisations partenaires bilatérales les et globales, évaluations, préparations et activités habilitantes cruciales au niveau continental africain ainsi que dans un nombre de pays pionniers. Atteinte d’au moins 10GW de capacité de production énergétique nouvelle et additionnelle.
- Phase 2 (2020-2030) : Déploiement ambitieux à grande échelle des politiques et programmes définis au niveau national et des incitations proposées dans la Phase 1. Une continuité dans l’identification des projets, leurs évaluations et leurs révisions pour une augmentation d’au moins 300 GW de capacité de production nouvelle et additionnelle d’énergie à partir de sources d’énergies renouvelables.
Lors de la COP21, un engagement de 10 milliards d’euros sur la période 2015 – 2020 a été annoncé par le Canada, la France, l’Allemagne, l’Italie, le Japon, les USA, le Royaume Uni, l’Union Européenne, La Suède, et les Pays-Bas.
Présentation de l’ASI
L’ASI est une initiative co-pilotée par l’Inde et la France, autour de 98 pays signataires (en septembre 2021).
Son objectif est de produire les règles du marché, normes et standards de l’énergie solaire, afin d’obtenir un déploiement rapide et massif, particulièrement dans les pays riches en rayonnement solaire mais où les risques sont encore perçus comme élevés.
L’ASI soutient la mise en place d’outils concrets, des mesures de renforcement des capacités et d’instruments financiers innovants. Un objectif est l’harmonisation des politiques publiques, des réglementations et des tarifs entre les pays qui permet de réduire les incertitudes, de renforcer la viabilité économique des projets solaires et de rassurer les investisseurs et investisseuses.
L’ASI projette de faciliter l’installation de plus de 1000 GW de capacité supplémentaire d’ici 2030, avec un financement estimé à 1000 Mds$ sur la même période.
L’AREI a atteint l’objectif de sa première phase (atteindre 10 GW de capacités renouvelables supplémentaires) en 2019, avec un an d’avance. Elle a pour cela mobilisé 6,4 milliards d’euros (contre les 10 milliards prévus initialement) pour mener 206 projets.
En 2021, la France avait contribué à 2,6 milliards d’euros (sur les 3 milliards promis sur la période 2016-2020, prolongée en raison de la crise sanitaire), en finançant via des prêts 51 projets contribuant à 15% des objectifs de l’AREI. Au niveau politique, l’engagement français a été constant entre 2015 et 2019, permettant un portage politique important au niveau des pays africains partenaires.
Depuis 2019, aucun rapport du Conseil d’administration de l’Arei n’est toutefois disponible en ligne – la crise du coronavirus et un changement de direction pouvant en être à l’origine. Lors de nos échanges, le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères n’avait également pas de visibilité sur les dernières réunions du Comité technique ou sur les principes spécifiques de redevabilités ou d’évaluation de fin de la phase 1.
Au-delà d’un problème de transparence, l’AREI souffre d’un manque d’inclusion. Très peu de rencontres ont été organisées ou acceptées par le secrétariat avec la société civile alors que l’initiative devrait fixer ses objectifs et ses activités avec tous les acteurs et actrices pertinentes, en particulier la société civile et les communautés locales africaines.
En ce qui concerne l’ASI, la France y contribue de plusieurs manières :
- Au secrétariat de l’organisation, en mettant à disposition deux expertes et experts français détachés.
- En mobilisant son réseau diplomatique, pour porter notamment les priorités de l’ASI au sein du One Planet Summit et dans l’ensemble des enceintes multilatérales concernées (au Sommet climat du secrétaire général des Nations unies, à la COP25, auprès de l’Agence internationale de l’énergie renouvelable (Irena), auprès de l’Initiative de l’Afrique sur les énergies renouvelables (AREI), ou encore de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), etc.) et auprès des banques multilatérales de développement.
- En mobilisant le secteur privé. Le Syndicat des énergies renouvelables (SER) et le Medef International co-président avec leurs homologues indiens un comité international des chambres de commerce qui formule des recommandations à l’ASI sur les conditions favorables aux investissements privés dans l’énergie solaire.
- En appuyant financièrement des projets, via l’AFD. À ce jour, l’AFD a engagé environ 1,15 milliards d’euros. Il s’agit pour l’essentiel, en volume, de projets de centrales solaires photovoltaïques connectées au réseau. Ces fonds ont contribué à développer plus de 2,6 gigawatts de capacité solaire. Par ailleurs, la Banque Mondiale, l’ASI, l’IRENA et l’AFD ont lancé l’initiative Solar Risk Mitigation à la COP24, qui comprend un volet d’appui au développement de conditions propices et d’une plateforme de marchés publics en ligne qui facilitera l’accès aux financements en regroupant les enchères de projets solaires et renouvelables plus largement. L’objectif visé est d’aboutir à des appels d’offres communs et multi-pays. La France apportera 50 millions d’euros dans une facilité de garantie en faveur de projets de centrales d’énergies renouvelables de petite taille dans les pays de l’ASI. Ces fonds permettront de mobiliser un investissement privé de 3,5 milliards d’euros et 1.6 GW d’énergie solaire.
Les coalitions à l’initiative de la France permettent donc une mobilisation importante d’autres pays et partenaires, avec des résultats de différentes formes (politique, financiers…). Toutefois, il existe peu de mécanismes opérationnels de redevabilité et d’évaluation de l’action française au sein de ces alliances : impacts sur le terrain, renforcement des capacités, pérennisation du portage politique, effet de leviers, etc.
Si la France a permis d’initier des coalitions novatrices, en réhaussant régulièrement sa contribution promise, l’ambition affichée est à nuancer au niveau :
- Des objectifs que les coalitions se sont données ; ceux-ci paraissant insuffisants par rapport aux besoins.
- Des objectifs de pérennisation, au niveau notamment du renforcement des capacités des partenaires (en lien avec l’absence d’évaluation et de stratégie de transfert de compétences).
- Des effets leviers (si les USA, la Suède, les Pays Bas, ont signé l’engagement de contribuer à hauteur de plusieurs milliards d’euros à l’AREI, ils n’ont finalement pas contribué à la première phase, limitant l’effet de levier initial porté par la France).
- De la mobilisation des acteurs et actrices non-étatiques, en particulier la société civile et les communautés locales. La transition énergétique ne peut se faire sans ces acteurs et actrices clés. Hors, que ce soit l’AREI ou bien l’ASI, l’inclusion et la participation des sociétés civiles restent très faibles, voire inexistantes.
La France, comme d’autres pays riches, a su profiter de la COP21 pour initier des coalitions structurantes dans le domaine de l’énergie, à travers l’AREI et l’ASI notamment. L’engagement français se démarque des autres pays, à travers une mobilisation politique et financière.
Toutefois, les impacts de ces coalitions sont difficiles à mesurer, notamment en l’absence de mécanismes clairs de redevabilité et d’évaluation. Même si les énergies renouvelables présentent une des solutions clés pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, mal installées, ces infrastructures peuvent entraîner des conséquences négatives pour les populations concernées, comme l’accaparement de terres ou de ressources telles l’eau. En conséquence de quoi :
- Une meilleure évaluation des impacts et la mise en place d’une stratégie de renforcement des capacités et de transfert de compétences des structures porteuses et des partenaires permettraient de renforcer la pertinence de l’action française au sein de ces coalitions.
- La France devrait s’assurer que les coalitions qu’elle soutient incluent correctement les sociétés civiles et les communautés locales, afin de garantir le respect de leurs droits et de leurs demandes, mais aussi de pérenniser les projets et actions mis en œuvre sur le terrain.