CNH 2020|Protection de l’espace humanitaire : les ONG attendent des mesures
En 2021, selon l’ONU, 235 millions de personnes dans le monde auront besoin d’une aide humanitaire – soit 40 % de plus par rapport à 2020. Ce contexte explosif (pandémie covid-19, changements climatiques, poursuite incessante de conflits durables, crises économiques à répétition, etc.) exige une réponse urgente de la communauté internationale et mobilise fortement les ONG humanitaires. Dans de multiples régions du monde et notamment au Nigeria, en Syrie, ou encore au Niger, les acteurs et actrices humanitaires sont de plus en plus souvent directement pris pour cibles. A ceci s’ajoute la remise en cause du droit international humanitaire à travers l’application des différents régimes de sanction et lois antiterroristes qui sont transposés par les États dans leur législation nationale et dans de nombreuses conventions de financement de l’aide humanitaire. L’espace humanitaire est de plus en plus contraint, ainsi que le droit international humanitaire (DIH).
Lors de son discours prononcé aux Nations unies en septembre dernier, le président de la République a affirmé :
« L’espace humanitaire est un patrimoine commun qu’il nous faut protéger en garantissant l’accès aux populations civiles comme la protection des personnels qui les soutiennent. La neutralité de l’action humanitaire doit être respectée et sa criminalisation endiguée ». Les ONG se réjouissent de ce discours engagé qu’il faut maintenant traduire en actes.
Dans la perspective de la Conférence nationale humanitaire et lors de laquelle Emmanuel Macron pourrait annoncer de nouvelles mesures, les ONG demandent à la France, d’une part de garantir la mise en place de mécanismes de lutte contre l’impunité en cas d’attaques commises contre les personnels humanitaires et contre leurs infrastructures, et d’autre part la mise en place d’une exemption humanitaire en lien avec la législation antiterroriste. Pour Philippe Jahshan, président de Coordination SUD, « l’exemption humanitaire doit s’effectuer au niveau législatif national, européen et dans les textes édictés par le Conseil de sécurité. Elle doit permettre de faciliter l’aide humanitaire aux populations des pays qui font l’objet de sanctions. »
Dans le cadre des projets financés par la France, une mesure inquiète particulièrement les ONG, celle du « criblage » des bénéficiaires ultimes de l’aide. Cette action consiste à vérifier que ces personnes ne figurent sur aucune liste de personnes sous régimes de sanctions ou embargos des Nations unies, de l’UE et de la France. Pour Thierry Mauricet de Première Urgence Internationale et administrateur de Coordination SUD, « Il est indispensable que la France garantisse qu’elle n’imposera en aucun cas un criblage des bénéficiaires dans l’ensemble des programmes qu’elle finance ».
Face à l’urgence climatique et à la crise covid, les ONG appellent à une mobilisation du secteur humanitaire. Elles recommandent à la France de continuer à innover, de rendre les financements humanitaires plus flexibles afin de soutenir une réponse terrain adaptée aux besoins et permettre de réduire les impacts humanitaires des catastrophes naturelles et multiples crises systémiques.
Pour que ces défis soient relevés, il est donc primordial que la France renforce ses capacités en termes de diplomatie humanitaire afin que le DIH soit respecté et que l’impact des régimes de sanction et des mesures « antiterroristes » sur l’aide humanitaire soit limité. « Il s’agit tout simplement de réduire les attaques contre les personnels de nos ONG, de faciliter la protection des populations civiles et restaurer la légitimité de notre action de manière durable pour améliorer notre accès aux populations affectées par les crises humanitaires » explique Jean-Pierre Delomier de Handicap International – Humanité & Inclusion et responsable de la commission Humanitaire de Coordination SUD.
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