Vote de la loi Développement solidaire : une ambition renouvelée
« Les ONG sont heureuses qu’enfin ce texte sorte. Depuis 2018, nous avons travaillé à sa préparation avec le gouvernement ; mais également auprès des parlementaires, dont il faut souligner l’investissement et qui ont permis un renforcement substantiel du texte. Des résultats ont été obtenus : la loi marque certaines avancées importantes », confie Olivier Bruyeron, président de Coordination SUD.
Des avancées par rapport à la loi de 2014…
Coordination SUD salue cette nouvelle loi qui va, sur certains sujets, plus loin que celle adoptée en 2014. Dans sa version finale, le texte de loi promet des principes directeurs solides à la politique de développement de la France, se fondant sur les droits humains, l’Accord de Paris et les objectifs de développement durable (ODD). Elle prévoit pour la première fois une programmation financière pour atteindre ces grands principes.
« Nous avons obtenu des avancées majeures, notamment grâce à la mobilisation des parlementaires sur la question. Contrairement à 2014, il s’agit d’une loi de programmation avec des objectifs quantitatifs et qualitatifs. La trajectoire visant à consacrer 0,7 % de la richesse nationale à l’aide publique au développement (APD) en 2025 est une excellente nouvelle », déclare Cécile Duflot, directrice d’Oxfam France et référente sur les questions d’aide publique au développement au conseil d’administration de Coordination SUD.
Par rapport à la précédente loi de 2014, la nouvelle reconnaît le rôle, l’expertise et le droit d’initiative des organisations de la société civile. Elle prévoit pour la première fois une cible à atteindre pour les montants transitant par ces dernières. Enfin, le projet promet une approche renforcée des questions de genre. « Les parlementaires ont inscrit de réelles avancées dans la prise en compte du genre dans la politique de développement française, qui mentionne désormais la diplomatie féministe de la France et fait de l’égalité femmes-hommes et filles-garçons une priorité transversale. Les objectifs d’aide marquée genre ont aussi été significativement renforcés : par exemple 20 % des projets financés feront de l’égalité femmes-hommes leur priorité », se réjouit Laura Audouard, chargée de plaidoyer chez Plan International France.
Mais plusieurs demandes des ONG n’ont pas été reprises
Si un grand nombre de victoires sont saluées par les ONG, celles-ci regrettent profondément que certains principes n’aient pas été maintenus à l’issue des débats parlementaires comme celui de non-discrimination des bénéficiaires finaux des projets portés par les ONG : le retrait de ce principe directeur induit un risque d’exclusion de millions de bénéficiaires finaux à l’aide française. Par ailleurs, la programmation financière reste soumise à une clause de revoyure dès 2022 et n’est donc contraignante que pour une année.
Les ONG nuancent également la reconnaissance de la société civile. En effet, « le droit d’initiative n’est pas non plus reconnu à la hauteur de nos attentes et reste cantonné à un dispositif financier. La programmation budgétaire de l’aide transitant par les ONG s’arrête en 2022 et n’est pas plus ambitieuse que les engagements déjà pris en 2018 », regrette Matthieu de Bénazé, directeur des programmes internationaux de SOS Villages d’enfants et référent plaidoyer syndical au conseil d’administration de Coordination SUD.
Il en va de même sur l’intégration du genre. La référence aux conventions internationales relatives aux droits des femmes et des filles, dont la France est signataire, a été supprimée. « Le Fonds de soutien aux organisations féministes, un outil pourtant indispensable pour soutenir les organisations féministes des pays partenaires, a également été retiré. La loi ne promeut malheureusement plus non plus la participation des enfants et des jeunes dans les politiques et programmes qui les concernent » regrette Laura Audouard, chargée de plaidoyer chez Plan International France.
Enfin, et en dépit de l’instauration d’une commission indépendante d’évaluation de la politique de développement, Coordination SUD regrette fortement que le texte ne prévoit pas davantage de mécanismes assurant la cohérence et la transparence dans la mise en œuvre de la loi. « Tout au long du processus d’élaboration de la loi, nous avons sensibilisé les membres du gouvernement et les parlementaires sur la nécessité d’assurer la cohérence de l’action française en matière de développement et de renforcer les mécanismes de transparence et de redevabilité de ses acteurs publics et privés. La loi manque malheureusement d’ambition sur ces enjeux de cohérence et de transparence pourtant garants de l’efficacité et de la viabilité de la politique française de lutte contre les inégalités mondiales », constate Manuèle Derolez, déléguée générale du CCFD-Terre solidaire.
Coordination SUD est finalement satisfaite de la sortie de cette loi qui renouvelle les ambitions de la France en matière de solidarité internationale. Cependant, elle reste vigilante pour suivre à travers ses espaces de travail sa mise en œuvre et ainsi s’assurer que la politique de développement permettra d’atteindre les objectifs fixés dans la loi et son cadre de partenariat global. Elle continuera également son plaidoyer sur les points qui n’ont pas obtenu satisfaction.
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