Multinationales : D’une loi pionnière en France à un traité à l’ONU
Alors que les grandes entreprises françaises sont en train d’élaborer leurs premiers plans de vigilance suite à la promulgation de la loi relative au devoir de vigilance des multinationales, Les Amis de la Terre France et ActionAid pour les peuples solidaires publient aujourd’hui un nouveau rapport intitulé Fin de cavale pour les multinationales ? D’une loi pionnière en France à un traité à l’ONU. Il décrypte cette loi encore assez méconnue au travers de trois cas concrets de violations des droits humains et de dommages à l’environnement commis par des entreprises françaises, et appelle le gouvernement français à promouvoir cette législation au niveau international en soutenant le projet de traité à l’ONU, lors de la prochaine session de négociations qui se tiendra du 23 au 27 octobre à Genève.
Le 27 mars 2017 a été promulguée la loi française sur le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre. Cette loi, fruit d’un long combat de la société civile, est un premier pas inédit pour lutter contre l’impunité des multinationales qui, partout dans le monde, violent les droits des travailleurs·ses et des populations locales, et détruisent l’environnement.
Souvent surnommée par les médias « la loi Rana Plaza », cette loi couvre pourtant un domaine d’application bien plus large que celui des seules conditions de travail chez les sous-traitants des grandes multinationales françaises. Les Amis de la Terre France et ActionAid France-Peuples Solidaires l’illustrent donc au travers de trois cas concrets : Total et son projet de « bioraffinerie » d’huile de palme à la Mède, la Société Générale et son soutien au projet de terminal d’exportation de gaz de schiste Rio Grande LNG aux États-Unis, et enfin les supermarchés français (Carrefour, Leclerc, Auchan, Les Mousquetaires-Intermarchés, Casino, Système U) et la vente de bananes en provenance d’Équateur.
Alors que les entreprises concernées par ces trois cas sont en train de préparer leurs premiers plans de vigilances prévus pour 2018, ce rapport leur envoie un signal d’alerte, en décrivant des situations de violations des droits des travailleurs·ses et des communautés locales, de lourds dégâts sanitaires, de déforestation, d’aggravation du changement climatique…
Selon Juliette Renaud, des Amis de la Terre France, co-auteure du rapport : « Dorénavant, ce n’est plus à ce seul « name and shame » et aux pétitions citoyennes que les entreprises devront répondre : avec l’adoption de la loi sur le devoir de vigilance, elles ont une obligation légale d’agir pour remédier aux situations dénoncées, et devront potentiellement avoir à répondre de leurs actes devant la justice ».
Les deux organisations demandent au gouvernement français de garantir une bonne application de cette loi, et de la promouvoir au niveau européen et international, tel qu’il s’y est engagé. Ce dernier a une opportunité très concrète de le faire à l’ONU du 23 au 27 octobre, lors de la nouvelle session de négociations sur l’élaboration d’un instrument international légalement contraignant sur les multinationales et les droits humains. Commencées en 2015, les négociations entrent cette année dans une phase décisive puisqu’une première proposition écrite de ce traité sera débattue par les États.
Pour Alice Bordaçarre, d’ActionAid France-Peuples Solidaires, co-auteure du rapport : « Avec la loi sur le devoir de vigilance des multinationales, la France fait figure de pays pionnier en la matière. Elle a donc un rôle primordial à jouer dans les négociations à Genève fin octobre, et il serait incompréhensible que notre gouvernement ne soutienne pas activement ce projet de traité international, et ne pousse pas l’Union européenne à faire de même ».
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